Tu
veux savoir qui tu es pour moi, eh bien voilà : tu es celle qui
m'empêche de me suffire. J’ai une grande puissance de solitude, je peux
rester seul des jours, des semaines, des mois, somnolent, tranquille.
C'est cette somnolence que tu es venu interrompre. On peut donner bien
des choses à ceux que l'on aime. Des paroles, un repos, du plaisir. Tu
m'as donné le plus précieux de tout : le manque. Il m'était impossible
de me passer de toi, même quand je te voyais tu me manquais encore.
Ma
maison mentale, ma maison de cœur était fermée à double tour. Tu as
cassé les vitres et depuis l'air s'y engouffre, le glacé, le brûlant, et
toutes sortes de clartés. Tu étais celle-là, tu l'es encore
aujourd'hui, celle par qui le manque, la faille, la déchirure entrent en
moi pour ma plus grande joie. Un tel trésor est inépuisable. Il devrait
me suffire pour aller de maintenant en maintenant jusqu’à l'heure de ma
mort…
Christian Bobin extrait de " La plus que vive "
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